La confiance en soi de l'adolescent berlinois est en grande partie le produit d'une institution éducative unique qui a radicalement bouleversé les conventions de l'enseignement traditionnel. À l'école Oberländer, il n'y a pas de notes jusqu'à ce que les élèves atteignent l'âge de 15 ans, pas d'horaires et pas d'instructions de style lecture. Les élèves décident quels sujets ils veulent étudier pour chaque leçon et quand ils veulent passer un examen.
Le programme de l'école se lit comme le cauchemar de tout parent addict de modernité. Les sujets d'ensemble sont limités aux mathématiques, à l'allemand, à l'anglais et aux études sociales, complétés par des cours plus abstraits tels que «responsabilité» et «défi». Par défi, les élèves de 12 à 14 ans reçoivent 150 € (115 €) et sont envoyés dans une aventure qu'ils doivent entièrement planifier eux-mêmes. Certains vont faire du kayak; d'autres travaillent dans une ferme. Anton est allé trekking le long de la côte sud de l'Angleterre.
La philosophie qui sous-tend ces innovations est simple: les exigences du marché du travail changent, et les smartphones et Internet transforment la façon dont les jeunes traitent l'information, explique la directrice de l'école, Margret Rasfeld, la compétence la plus importante d'une école. transmettre à ses étudiants est la capacité de se motiver.
"Regardez les enfants de trois ou quatre ans - ils sont tous pleins de confiance en soi", dit Rasfeld. "Souvent, les enfants ne peuvent pas attendre pour commencer l'école. Mais frustrant, la plupart des écoles réussissent alors à se défaire de cette confiance. "
Faire en sorte que les élèves écoutent un enseignant pendant 45 minutes et les punir pour avoir collaboré à un exercice, dit Rasfeld, n'était pas seulement en décalage avec les exigences du monde du travail moderne, mais contre-productif. "Rien ne motive davantage les étudiants que lorsqu'ils découvrent la signification derrière un sujet de leur propre chef."
Les élèves de son école sont encouragés à imaginer d'autres façons de prouver leurs compétences acquises, comme coder un jeu sur ordinateur au lieu de passer un examen de mathématiques. Oberländer, qui n'avait jamais quitté la maison depuis trois semaines avant d'entreprendre son défi à Cornwall, a dit qu'il avait appris plus d'anglais pendant son voyage que pendant plusieurs années d'apprentissage de la langue à l'école.
La structure de l'éducation fédéralisée de l'Allemagne, dans laquelle chacun des 16 États planifie son propre système éducatif, a traditionnellement permis à des modèles d '«apprentissage libre» de s'épanouir. Pourtant, contrairement aux écoles de Sudbury , de Montessori ou de Steiner , l'établissement de Rasfeld tente d'intégrer l'autodétermination des élèves dans un système de règles relativement strict. Les étudiants qui traînent pendant les cours doivent venir à l'école le samedi matin pour se rattraper, une punition connue sous le nom de "silentium".«Plus vous avez de liberté, plus vous avez besoin de structure», explique Rasfeld.
Compte tenu de son succès par le bouche-à-oreille, il n'est pas étonnant qu'il y ait eu des appels à l'approche de Rasfeld à l'échelle nationale. Pourtant, certains experts en éducation se demandent si les méthodes de l'école peuvent facilement être exportées: à Berlin, disent-ils, l'école peut attirer les candidats les plus prometteurs de familles aisées et progressistes. Rasfeld rejette ces critiques, insistant sur le fait que l'école vise un mélange hétérogène d'étudiants de différents horizons. Alors qu'une croix orne la salle de réunion et que chaque jour d'école commence par le culte, seul un tiers des élèves actuels sont baptisés. Trente pour cent des étudiants sont issus de l'immigration et 7% proviennent de ménages ne parlant pas l'allemand.
Bien que l'ESBC soit l'une des 5 000 écoles privées d'Allemagne, les droits sont soumis à des conditions de ressources relativement faibles comparées à celles en vigueur en Grande-Bretagne, entre 720 et 6 636 euros par an. Environ 5% des étudiants sont exemptés de frais.
Cependant, même Rasfeld admet qu'il peut être plus difficile de trouver des enseignants capables de s'adapter aux méthodes d'apprentissage de l'école que d'amener les élèves à faire de même.
Agé de 65 ans et devant prendre sa retraite en juillet, Rasfeld a toujours des projets ambitieux. Un «laboratoire d'innovation éducative» de quatre personnes basé à l'école a développé des matériels pédagogiques pour les écoles qui veulent suivre l'exemple de l'ESBC. Environ 40 écoles en Allemagne sont en train d'adopter une partie ou la totalité des méthodes de Rasfeld. L'un dans le quartier de Weissensee à Berlin a récemment permis à un étudiant de traverser les Alpes pour un projet de défi. "Les choses commencent seulement", dit Rasfeld.
"Dans l'éducation, vous ne pouvez que créer un changement à partir du bas - si les ordres viennent du haut, les écoles vont résister. Les ministères sont comme des pétroliers géants: il faut beaucoup de temps pour les retourner. Nous avons besoin de beaucoup de petits bateaux rapides pour montrer que vous pouvez faire les choses différemment. "
Voir l'article original du Guardian
L’ESBZ. l’école évangélique de Berlin Centre dont le but est de préparer la génération du XXIe siècle.
( article Linkedin )
Ouverte en 2007, l’ESBZ rassemble 1500 élèves jusqu’au bac et est internationalement reconnue, tant pour l’innovation de ses programmes que celle de son organisation.
Pour la directrice, la compétences la plus importante au XXIe siècle est la capacité à se motiver soi-même, et rien n’est plus motivant que l’effet « EUREKA », lorsque l’on découvre ce que l’on cherchait, lorsque l’on comprend par soi-même. Cela confère la fierté nécessaire à la confiance en soi qui caractérise les élèves de l’ESBZ. Pour ce faire, l’école valorise l’autogestion des élèves, mais aussi des enseignants… et c’est ainsi qu’elle leur permet d’être autonomes. Alors comment font-ils?
Chaque matin, les élèves on un block « espace d’apprentissage » de 90 minutes autour de 4 matières principales. Les élèves gèrent eux-même ce temps en sélectionnant un contenu, par exemple « Les équations ». Quand ils rencontrent une difficulté, il consulte d’abord au moins deux de leurs pairs avant de se tourner vers l’enseignant. En plus des matières classiques, les élèves reçoivent un enseignement comportemental et sont formés aux techniques de communication non-violente.
Chaque jeudi, les étudiants travaillent sur un projet de classe étalé sur 3 ans en lien avec l’agenda global de l’ONU du développement durable, un projet ambitieux et concret construit sur le modèle du Design Thinking. Dans une classe les élèves ont travaillé sur la discrimination et l’identité Berlinoise. Ils ont ainsi été amené à s’entretenir en empathie avec des personnes aux parcours de vie très différents. D’autres élèves ont travaillé sur les programmes des classes du lycée et les résultats au bac sont excellents.
Tout au long de leur scolarité, les élèves tiennent un carnet de bord qu’ils parcourent chaque fin de semaine avec leur enseignant référent. C’est un élément essentiel de la formation. Ils formulent un objectif pédagogique personnel et, jour après jour, notent ce qu’ils ont fait et ce qu’ils ont appris. Dans un coin de chaque page du carnet de bord figure une case où ils doivent noter ce dont ils sont fiers. L’enseignant signe la page. Une colonne est prévue pour les parents, afin qu’ils puisent noter des idées, des feed-back. Quand un élève n’a pas terminé ce qu’il s’était fixé, il a obligation de revenir à l’école le samedi matin pour finir.
Chaque semaine, un conseil de classe s’organise entre les élèves qui discutent et modèrent les tensions du groupe. L’école a un autre rassemblement hebdomadaire où, quiconque le souhaite, monte sur scène et gratifie une personne, dit ce qu’il pense ou invite une personne externe qui souhaite délivrer un message.
Considérant à juste titre que la pression du passage en niveau supérieur crée un stress qui réduit les performances des élèves et impacte négativement leur fonction cognitives, il n’y a pas de « classe de niveau » avant le lycée.
Les enseignants de l'ESBZ encadrent en binôme des classes de 26 élèves, tous âges confondus. Leur rôle consiste plus à gérer l’espace et le temps qu’à apporter leur expertise. Ils sont ainsi passé du rôle d’expert au rôle de facilitateur. La clé pour enseigner dans ce type d’environnement réside dans l’autogestion et dans une grande faculté d’improvisation. Parfois les enseignants ne savent pas, se trompent, et ils en ont le droit! Une autre qualité essentielle pour les enseignants dans ce type de système est la connaissance de soi, notamment comme approche pour travailler en équipe. Les classes ne sont pas fermées, les enseignants sont encouragés à aller s’assoir dans les classes de leurs collègues et donner leur feed-back. Ce point leur semble essentiel pour améliorer leur pratique. Ils travaillent les thématiques ensemble, élaborent le matériel pédagogique et suivent de nombreuses formations comportementales sur la communication interpersonnelle, le travail en équipe, la connaissance de soi…
Alors quels rôle donner aux parents dans l'enseignement, qu'il soit général ou supérieur? Pour cela, il faut se poser les bonnes questions, et la première serait de se demander si les faire intervenir produit l’effet attendu de façon durable? La réponse est généralement "oui" pour les plus enfants en maternelle et en primaire. Elle permet de redresser efficacement la barre. A compter de l'adolescence, période ou l'enfant s'autonomise par un processus de contre-dépendance, la réponse attendue en regard du développement de l'enfant devrait être "non". Lorsque l'enfant est petit, la maternelle, l'école primaire ont un rôle pédagogique implicite très important : elles apprennent aux parents à être parents d'élève. Plus l'enfant s'émancipe, plus il recherche l'autonomie, parfois très maladroitement, plus l'intervention des parents peut casser la dynamique développementale et produire l'effet inverse, engendrant des conduites de plus en plus irresponsables. Un enfant qui n'écoute pas ses professeurs n'écoute pas non plus ses parents : il écoute ses pairs. C'est sur ce point que des systèmes éducatifs tels que celui que l'ESBZ a mis en place sont particulièrement intéressants. La réponse sur l'implication est donc aussi conduite par l'expérience et par une approche personnalisée des problématique : si ça marche, il faut continuer (mais il faudra aussi que l’entreprise le fasse après la délivrance…) en acceptant d'échouer sur un point éducatif fondamental: l'autonomie.
Le pari que fait l’ESBZ et la plupart des écoles alternatives (Montessori, Kleiner..), c’est aussi celui, dans l'enseignement supérieur, de la Webschool Factory, de 42, l’école de Xavier Niel... Les jeunes d'une manière générale, et pas seulement la génération Z, contrairement aux apparences, sont parfaitement capable d’être autonomes et responsables, à conditions d'être mis en situation d'être acteurs, de s'impliquer, de donner du sens à ce qu’ils font et d'être ainsi intrinsèquement motivés. Pour cela, ils doivent avoir les bonnes conditions et le cadre qui leur permette de se débrouiller en sécurité, de se tromper, de recommencer, pour bénéficier de l’effet « eureka ».
Les jeunes sont de plus en plus efficients, et pour être efficient, il faut être paresseux, car ceux sont eux qui excellent dans l’art d’optimiser le résultat en dépensant le moins d’énergie possible. Pour s’autogérer, se responsabiliser ces jeunes « efficients » doivent se trouver « au pied du mur ». Pour eux, tout parachute, tout airbag, tout oreiller est bon à prendre. C’est quand il n’y en a plus qu’ils se révèlent. Il faut donc faire le pari de les laisser se débrouiller, s’organiser, chercher, demander, se planter, recommencer…Cela permet d'offrir une solution dans un contexte ou les conditions nécessaires à l'intégration des notions d'autorité et de statuts ne sont plus réunies, de répondre au particularité attentionnelles de la génération Z et à leur besoin pour appréhender un monde qui change de plus en plus vite et, par ricochet, de faire bouger les lignes dans les entreprises.
Comment faire pour passer d'un système d'enseignement traditionnel à un système plus adapté aux nouvelles générations? Après avoir déconstruit ses croyances, il faudra « empathiser ». Pas seulement dans la relation au quotidien avec l'élève pour cerner les premiers signes de désintérêt, écouter sans juger, mais aussi dans un angle plus large pour comprendre les besoins d'apprentissage et faire évoluer les pratiques. Il faut pour cela créer le cadre et les conditions. Fixer des règles claires et acceptées (idéalement co-construites), préférer poser les bonnes questions pour amener chacun à trouver ses réponses plutôt que d'apporter des réponses et priver du pic dopaminergique de l'effet eurêka. C'est aussi avoir des mots encourageants. C'est maîtriser l'art de la communication positive, et c’est surtout de la bienveillance. Ca s’apprend, et ça produit des résultats extraordinaires où chacun donne le meilleur de lui-même.
Il faudra aussi « idéationner »; repenser l’organisation, l’école, pour rendre les étudiants acteurs de leur école et de leur apprentissage. Puis prototyper, en faisait passer l’élève du statut confortable de spectateur, au rôle d’acteur, impliqué dans son organisation, et intrinsèquement motivé. C’est ainsi que l’on donnera tout son sens à l’enseignement. Co-construire, avec les élèves, les enseignants, l’encadrement. Co-créer, collaborer permettra ainsi de mettre au monde une jeunesse fertile, capable d'engendrer à son tour le monde de demain.
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