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Retour sur la table ronde “autonomie alimentaire” de la confédération paysanne 19

La Confédération Paysanne de Corrèze proposait d’échanger à l’occasion d’une table ronde sur la Souveraineté Alimentaire le dimanche 25 février de 14h à 17h à la Ferme de Louisotte Coujac à Bétaille.

Comment peser aujourd’hui dans le débat national pour défendre l’agriculture paysanne, locale de qualité ?

4 intervenants ont animé l’après midi. Retrouvons-les via vidéo ci-dessous :

1/4 Diagnostic général par la Conf 19

Voici la conférence donnée par Nacer Benfriha en début d’après midi.

Dans sa conférence, Nacer Benfriha, membre de la Confédération Paysanne aborde la complexité de la souveraineté alimentaire, soulignant les différentes perceptions selon les acteurs concernés tels que le ministère de l’Agriculture, la Confédération paysanne, les médias mainstream, et l’Organisation des Nations Unies pour l’alimentation et l’agriculture (FAO). Il retrace l’évolution de l’agriculture française depuis la fin de la Seconde Guerre mondiale, marquée par une industrialisation accélérée due à la guerre froide, les innovations technologiques, et la politique agricole commune (PAC) visant l’autosuffisance alimentaire.

Nacer Benfriha critique le mouvement de financiarisation et de dérégulation des marchés qui a suivi, mettant en avant les effets néfastes de ces politiques sur les agriculteurs et la production alimentaire. Il insiste sur l’importance de repolitiser la question de l’alimentation à travers la souveraineté alimentaire, en défendant le droit des populations à définir leur politique agricole, l’accès à une alimentation saine et les moyens de production nécessaires.

Il évoque les négociations internationales qui ont favorisé la libéralisation des échanges agricoles, critiquant l’impact négatif de telles politiques sur les agriculteurs et la qualité de l’alimentation. Benfriha souligne le défi que représente la PAC pour l’agriculture française et européenne, mettant en lumière les contradictions entre les objectifs affichés de productivité, de stabilité des marchés, et de prix raisonnables pour les consommateurs, et la réalité précaire des agriculteurs, la qualité nutritionnelle des aliments, et l’accessibilité des ressources.

Finalement, il conclut sur la nécessité d’une réelle souveraineté alimentaire qui permettrait de réguler le marché afin de garantir une alimentation saine, accessible et respectueuse des producteurs et de l’environnement, tout en dénonçant le modèle économique actuel qui privilégie la rentabilité au détriment de ces objectifs.

Etat des lieux en 2024, point par Nacer

Petit rappel historique :
– Avant 1945, agriculture vivrière
– 1945, entrée dans la modernité.
La guerre froide, affrontement idéologique, pousse à l’innovation.
– Années 60 : industrialisation de l’agriculture, productivisme, il faut
nourrir la population.
– 1962 création de la PAC, avec pour objectifs :
1) accroissement de la productivité
2) assurer un niveau de vie équitable aux agriculteurs
3) sécurité des approvisionnements
4) stabilisation des marchés
5) prix raisonnables pour le consommateur
– Années 60 – 70 : financiarisation du capitalisme, critique théorique de
l’état.
– 1994 – 2003 : libéralisation des échanges agricoles, création OMC,
GATT, cycle de Doa, an 2000 = victoire de la globalisation.
– Dans le même temps, critique du modèle néo libéral, notamment par les
pay du sud : déreglementation, désorganisation, « ajustements
structurels » (ex : on vous aide à produire et exporter votre café, mais
vous arrêtez vos cultures vivrières)
– 1996 création de Via Campesina : repolitiser la question de l’alimentation,
la production agricole n’est pas seulement un commerce.

  • droit des populations à concevoir leur politique publique
    agroalimentaire
  • droit à une alimentation saine
  • droit aux ressources et moyens pour produire une alimentaion saine,
    dont les semences.

Etat des lieux des objectifs de la PAC en 2024

1) La production a augmenté par les progrès technique, mais échec au
niveau de la main d’oeuvre : baisse du nombre d’agriculteurs, âge moyen
de 58 ans en 2024.
2) Echec en termes de niveau de vie / qualité de vie : le suicide est la 2e
cause de mortalité après le cancer (maraichers les + touchés puis éleveurs
bovins). 1/5 des agriculteurs n’ont pas de revenus. 55H de travail/semaine.
90% n’ont pas de week-end, vacances possibles : 2 ou 3 jours consécutifs
3) Approvisionnements peu sécurisés, sous la dépendance des contextes
géopolitiques, des traités supranationaux, de la spéculation financière, de
la fraude agro-industrielle…
4) Les marchés sont encore très instables
5) Prix raisonnables « grâce » à la délocalisation, mais quid de la qualité.
Possible retour de bâton car soumission au marché.

Soit un bilan très mitigé :

  • la PAC permet juste au système de ne pas s’effondrer.
  • La production agricole française dépend des marchés, elle n’est donc pas totalement autonome.
  • La balance commerciale agricole est positive dans les secteurs vins et spiritueux, céréales et oléagineux, mais l’élevage est déficitaire. Le gouvernement appuie « ce qui marche ».

Remarque de Michel suite à ce topo : la mondialisation n’est pas le seul frein
actuel à l’autonomie alimentaire, la politique française, la FNSEA y participent.

Patrice Vidieu de la Confédération paysanne du Lot (agriculteur paysan), traite principalement de questions liées à l’alimentation, l’agriculture, et les politiques associées. En première partie, il souligne les problèmes de l’insécurité alimentaire mondiale, avec près d’un milliard de personnes touchées en 2023, malgré une production alimentaire abondante. Il est fait mention des inégalités économiques et de l’influence des grandes organisations agricoles comme la FNSEA. Les effets des conflits régionaux, des changements climatiques, et de la spéculation financière sur les prix des denrées alimentaires sont également évoqués.

Ensuite, Patrice met l’accent sur l’évolution du système agricole vers la financiarisation, en soulignant les accords de libre-échange et les conséquences sur la souveraineté alimentaire. L’émergence de la Via Campesina, une organisation mondiale de défense des droits des paysans, est mentionnée. L’importance de la souveraineté alimentaire est mise en avant, opposée à la logique de libre-échange. Le texte aborde également la question de l’aide alimentaire et ses implications sociales et économiques, ainsi que la distinction entre le droit à se nourrir et le droit à l’alimentation dans la dignité.

La deuxième partie du texte aborde la question de l’alimentation comme un enjeu central dans le budget des ménages et dans la construction d’une politique agricole durable. Au sortir de la Seconde Guerre mondiale, une part importante du budget des ménages était consacrée à l’alimentation. Cependant, au fil du temps, l’alimentation est devenue une variable d’ajustement dans le budget des ménages, ce qui pose problème étant donné l’augmentation des dépenses dans d’autres domaines comme le logement et la santé.

Pour répondre à ces enjeux, il est proposé de mettre en place une “sécurité sociale de l’alimentation”. Ce système repose sur trois principes : universalité, conventionnement avec des producteurs locaux et des magasins spécialisés, et cotisations en fonction des besoins et des moyens des individus. Des caisses seraient créées dans chaque département avec une gouvernance partagée et citoyenne.

Actuellement, une expérimentation est proposée avec une allocation mensuelle de 150 € par personne pour l’achat d’aliments conventionnés localement. Cette démarche vise à remettre les citoyens au cœur de leur alimentation et à promouvoir une consommation responsable.

Le texte souligne également l’importance de l’éducation alimentaire et de la valorisation des produits locaux. Des initiatives telles que les “défis familles” sont mentionnées comme des moyens d’encourager une alimentation saine et équilibrée.

Enfin, l’intervention met en lumière le rôle de la publicité et de la société de consommation dans la formation des habitudes alimentaires. Il est souligné qu’il est nécessaire de revoir ces modèles pour promouvoir une alimentation plus durable et éthique.

En résumé, la sécurité sociale de l’alimentation est présentée comme une solution pour garantir l’accès à une alimentation de qualité tout en favorisant l’économie locale et en promouvant des modes de consommation plus responsables.

Mise en place d’une sécurité sociale de l’alimentation : exemple de Montpellier

Christophe Rastol discute des initiatives françaises autour de la sécurité sociale de l’alimentation, en se concentrant sur des expériences concrètes. Il cite notamment l’exemple de Montpellier, où une caisse alimentaire commune a été lancée le 28 janvier, attirant plus de 1000 participants. Cette initiative montpelliéraine, nommée “une caisse locale de sécurité sociale de l’alimentation”, fait partie du projet “Territoire à vivre” et a été en préparation pendant 1 an et demi avant son lancement. Le projet est notable pour sa structure démocratique et son engagement envers l’inclusion sociale, visant à rendre une alimentation de qualité accessible à tous.

Les principaux aspects de l’expérience montpelliéraine incluent :

  • Système démocratique : Un tirage au sort a été utilisé pour sélectionner un groupe de travail de 47 personnes représentatives de la ville, s’assurant que les personnes socialement défavorisées soient incluses.
  • Cotisations selon les revenus : Les participants contribuent à la caisse sur une base mensuelle, avec des cotisations variant entre 1 et 120 €, voire plus, selon leurs moyens.
  • Conventionnement avec des producteurs et des lieux de vente : Plutôt que de conventionner des produits spécifiques, l’expérimentation se concentre sur la création de partenariats avec des producteurs locaux et des points de vente.

En avril 2023, le projet a introduit une monnaie spécifique liée à la consommation de produits alimentaires, en collaboration avec la monnaie locale. Sur les 1000 participants initiaux, 400 personnes sont activement engagées dans l’initiative, recevant chacune 100 € par mois pour leur alimentation. L’argent collecté par les cotisations, complété par des fonds municipaux, finance ce système.

Christophe exprime des inquiétudes sur la durabilité de telles expérimentations face aux pressions externes, comme les lobbies et la grande distribution. Il souligne l’importance d’un soutien politique et d’une adoption plus large pour garantir leur pérennité. La réussite de ces projets repose sur la généralisation de ces pratiques et sur l’instauration d’un rapport de force favorable à l’échelle nationale. Il appelle à une démocratisation plus étendue du processus pour inclure davantage de participants et à étudier ces expériences comme modèles pour des politiques alimentaires plus inclusives et durables.

La quatrième intervention concernait le PAT (projet alimentaire territorial) en Xaintrie Val-Dordogne. Nous prévoyons un article spécial sur ce sujet.

Complément, article Bastamag “souveraineté alimentaire”

Lien vers l’article

Autonomie alimentaire en france moins de paysans que de tracteurs

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