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Réponse à la “Lettre de Camille …”

Le 29 janvier, nous avions publié dans Citoyliens un article sur une initiative de lycéens : distribuer la lettre de Camille Etienne “Chère Génération d’avant” dans les boîtes aux lettres des habitants de Brive. Plusieurs personnes nous ont contacté afin de les aider …

Camille Etienne a sans doute reçu des réponses … mais en voici une rédigée par un ou une Corrézienne, que nous remercions ; nous l’avons transmise au groupe de lycéens ;

AVANT l’orage

Chère Camille,

Mon âge déjà avancé (j’aurai 103 ans en 2050) m’autorise peut-être cette familiarité qui se justifie surtout de ce qui nous rapproche. Votre lettre est d’une lucidité implacable et justifiée. Et vous comprenez en même temps que ce n’est pas un problème de génération. En 1800, déjà, Alexander Humboldt démontrait le lien entre le défrichage pour les grandes cultures coloniales et le changement climatique local et malgré sa célébrité jusqu’à sa mort, le développement associé du capitalisme industriel et de la spécialisation scientifique l’a plongé dans l’oubli.

Mais cela n’exonère pas notre propre génération qui a mis beaucoup de temps à prendre la mesure de la réalité qui maintenant est évidente, même pour ceux qui continuent à la nier (puisqu’ils dépensent des fortunes en études truquées et en lobbying. Ce n’est pas faute d’avoir milité, et il y avait du travail (ma génération est venue à la politique par la guerre d’Algérie , puis par celle du Vietnam). Mais même les plus lucides ont continué longtemps à combattre, avec de très bonnes raisons, avec les références de la génération d’avant (la gauche, le marxisme, l’espérance révolutionnaire). Et en prenant les premiers écologistes pour de doux rêveurs ou pire pour des gens qui refusaient de voir les “vraies questions”. Il faut dire aussi que la pensée politique dans le monde écologique va de l’extrême droite (la Nature et la Gymnastique au pas dans les forêts profondes)à l’extrême gauche (par exemple Françoise d’Eaubonne, “militante féministe, libertaire et écologiste).

Mais depuis les années 80, une fois de plus le capitalisme a fait preuve de sa capacité de se transformer en restant le même (la croissance comme condition de son existence) la mondialisation avec la destruction des classe ouvrières des pays industrialisés et la diffusion massive de l’informatique ont profondément changé les rapports sociaux en permettant à ce qu’on appelle “l’ultralibéralisme”, c’est à dire la destruction des règles qui limitaient le tout pouvoir des plus riches dans les “démocraties”. Vous imaginez bien que ce paragraphe exige une élucidation sérieuse.

Pour l’instant je ne peux que reprendre le mot d’ordre : l’exploitation-destruction de la Terre, l’exploitation des travailleurs, l’exploitation des femmes sont la MÊME exploitation.

Je vois bien que vous avez compris que parler d’un problème de “génération” est une formule de communicant ou de journaliste qui une fois de plus détourne de la vraie question. Même quelqu’un d’aussi “modéré” politiquement que Bruno Latour, parlait peu avant sa mort de la nécessité de connaître “nos ennemis”.

Parce que la question est dans son essence politique. Rassurez-vous je ne vais pas vous proposer ou vous vendre(!) le programme d’un parti ou d’un groupuscule. Mais je suis très profondément convaincu que la SEULE chance de changement est que votre génération renouvelle DE FOND EN COMBLE, la question politique, en se servant autant que possible de notre expérience positive ET négative. Parce que les choix (c’est la définition du politique) qui sont à faire ne se feront qu’avec la création d’espaces appelés à se rejoindre, ESPACES DÉMOCRATIQUES capables de combattre les choix de “nos ennemis”. Cela existe déjà chez des paysans, chez ceux qui combattent les déforestations ici ou ailleurs, à Notre-Dame des Landes etc..

Nous devons remettre en question toutes nos certitudes, de la place de la “Science” à l’histoire de notre civilisation, du faux-semblant sciemment trompeur de ce qu’ils osent nommer démocratie aux fondements de leur morale (la solidarité contre la compétition), de l’économie comme déesse à la philosophe de la maîtrise.

Vous avez raison, nous nous connaissons mal. Il faut que je demande à mon fils comment faire avec le Qrcode qui est sur votre lettre et j’ai tellement à apprendre que je sais que je serai toujours “incompétent”, mais pouvant apporter quelques pierres à l’édifice commun.

Merci de votre lettre !

Chaleureusement à vous

Castor

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